Cachez ces déchets que je ne saurais voir

Déchets organiques et plastiques ©Getty - Peter Dazeley
Déchets organiques et plastiques ©Getty - Peter Dazeley
Déchets organiques et plastiques ©Getty - Peter Dazeley
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Notre rapport aux déchets a évolué dans le temps dans nos sociétés occidentales. Autrefois valorisés, par les chiffonniers ou les vidangeurs, ils sont aujourd'hui relégués et externalisés. Comment sommes-nous entrés dans une nouvelle ère des déchets ?

L’histoire des déchets reflète celle des sociétés qui les produisent et de leurs rapports à leur environnement et aux ressources qu’elles mobilisent. Jusqu’aux années 1870-1880 il y a une intensification des activités de recyclage. De nombreux procédés industriels dépendaient de sous-produits urbains. La production de papier dépendait de la collecte de chiffons en ville, et quand la papèterie s'est industrialisée on a eu besoin de plus en plus de chiffons…

Les chiffonniers récupèrent les os d’animaux, les baleines de corsets, les pièces métalliques. Des industriels vont développer de nombreux brevets pour valoriser ces produits. Les vidangeurs récoltent les urines et les excréments. Ces sont des secteurs économiques qui se développent et génèrent des profits très importants à partir de ces sous-produits urbains. A partir de l’entre-deux guerre pour la France, un mode de gestion dominant des déchets s’est imposé, la mise en décharge de dépôt en tas. C'est en réalité un non traitement.

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Notre rapport aux déchets a donc évolué et nos pratiques ne sont plus autour de la valorisation. Les déchets sont également devenus le symptômes de nos modes de consommation et des objets jetables qui ont progressivement pris la place d'objets que l'on réparait, lavait ou recyclait. Le consumérisme a joué un rôle phare dans notre rapport aux objets car il a fait entrer dans nos modes de vie l'ère du tout jetable.

Une matière circulante et instructive

Au XIXe siècle, on produisait 500 grammes de déchets par jour et par habitant, mais aujourd’hui, on en est à 1,5 kg, soit 450 par an ! L'histoire des déchets est intéressante, car elle reflète, la propre histoire des sociétés qui les produisent et leur rapport à l'environnement ainsi qu'aux ressources qui sont mobilisées en amont.

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La rudologie est la science des déchets et peut répondre à la question : « Qu’est-ce que les déchets disent de nous ? » La docteure en philosophie et chercheuse indépendante Jeanne Guien explique : « Ils nous renseignent beaucoup sur la vie économique : la consommation ou la production domestique. Ensuite, ils nous disent beaucoup sur ce qu’une société juge digne de valeur. Et puis, si on regarde les déchets de façon dynamique, comme des matières qui circulent, on apprend aussi beaucoup sur les rapports sociaux, les rapports de force dans une société. Comme les déchets ne sont pas des matières inertes, abandonnées quelque part pour toujours, ils circulent par des processus. Et ce, grâce à des travailleurs et des travailleuses qui, très souvent sont victimes de discriminations, d’invisibilisation et dont les métiers ne sont pas valorisés alors qu'ils sont essentiels ! »

En périurbain, on voit beaucoup de déchets et de plastique

La professeure d’urbanisme à Université Paris Panthéon Sorbonne Sabine Barles explique pour sa part, qu’ à partir du moment où on s’intéresse aux déchets, on a une lecture du paysage qui devient « détritique » : « On voit à quel point le paysage, qu'il soit urbain, ou surtout périurbain, est marqué par l'omniprésence des déchets, que ce soit dans la topographie, que ce soit dans la présence des microparticules de plastique, que si on commence à les regarder, on ne voit plus qu'elles ! Et finalement, on se rend compte de cette dispersion permanente de ces déchets, de ces matières dans L’environnement. » Jeanne Guien ajoute que la généralisation des produits jetables à très bas coût a fait « que les matières plastiques se sont répandues absolument partout, y compris d'ailleurs dans notre organisme ! »

Un problème de consommation et de production

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Sabine Barles précise : « La production de déchets n'a fait qu'augmenter, même si on peut avoir l'impression qu'elles augmentent un peu moins vite qu'à une certaine époque. Aujourd’hui, la question se pose à l'échelle planétaire. « Et là, toutes les projections faites montrent qu'on va vers une explosion de la quantité de déchets parce que la population continue à augmenter, mais aussi parce que la consommation ne cesse d'augmenter. Et qu'on les recycle, qu'on les valorise ou qu'on les mette en décharge. La question se pose à l'amont de produire moins de déchets, donc de consommer moins. »

Le biosourcé jetable pas si bonne idée

Est-ce que les produits biosourcés, sont-ils une bonne réponse à l’accroissement des déchets ? Jeanne Guien répond : « Des produits biosourcés, recyclés sont une manière de s'adapter à une nouvelle réglementation sur l'interdiction d'un certain nombre de produits jetables en plastique comme les cotons-tiges, les assiettes jetables, etc. Mais cela reste jetable, et donc cela représente une prédation sur les terres agricoles, car ces matériaux sont souvent issus de matières agricoles. Ces matières sont encore mal connues. On ne connaît pas encore leurs effets sur l'organisme. Ces produits sont une manœuvre dilatoire, une façon de gagner encore du temps. Or le vrai problème, c'est le jetable en soi. Et la consommation en général. »

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    Album La symphonie des éclairs (2023)

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    Après moi le déluge

    Album Après moi le déluge (2013)

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