La nature dans l’œuvre de Miyazaki

"Arrietty le petit monde des chapardeurs" (2010) - The Walt Disney Company France
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La nature et les écosystèmes sont des motifs récurrents dans les œuvres d'Hayao Miyazaki. Tour à tour, la nature se rebelle, est exploitée ou se manifeste par l'hybridation et la forme que recouvrent certains personnages.

C'est aussi à travers la quête de l'altérité et de l'acceptation de l'étrangeté que la nature et les animaux se manifestent dans les œuvres de Miyazaki.

Gabriel Bortzmeyer analyse l’œuvre de Miyazaki à l’aune de la philosophie actuelle du vivant. Approche animiste, intercesseurs, diplomates interespèces, rapport de l’Homme au progrès qui déséquilibre son interaction avec la nature, sont autant de motifs récurrents dans l’œuvre de Miyazaki. Pour Gabriel Bortzmeyer, Miyazaki n’est pas un écologiste, mais davantage un environnementaliste, un écologue au sens où il raconte les écosystèmes. Il rappelle par ailleurs le contexte historique dans lequel a évolué Hayao Miyazaki, né en 1941. En effet, son film Nausicaä de la Vallée du Vent fait référence à la catastrophe de la Baie de Minamata dans les années 50, catastrophe durant laquelle les habitants de la baie ont été touchés par une grave intoxication au mercure.

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Gabriel Bortzmeyer précise que pour Hayao Miyazaki, les sanctuaires sont désertés par le divin et les esprits habitent les montagnes, les forêts et les rivières. Miyazaki exprime plusieurs fois le désir de figurer le monde à travers le point de vue d’autres espèces.

Raphaël Colson explique la place de la nature dans l’œuvre de Miyazaki par la culture shintoïste et l'animisme. Il considère la nature comme un passage ou un refuge pour les personnages souvent en exil durant leur quête initiatique.  «"L'espace fermé" constitue un espace de vie d’où l’on s’échappe pour en découvrir d’autres. C’est l’île de Conan, la vallée de Nausicaä, celle de Shuna ou le village des Emishis. Puis les personnages découvrent en cours de route des territoires abritant d’autres communautés.»

« Sous la forme d’un vaste espace désertique, la première forme du passage s’apparente à un obstacle que le voyageur doit franchir pour atteindre le reste du monde. L’autre fonction concerne l’accès à un espace fermé au sein duquel se nichent, dans certains cas, le jardin secret et la magie intérieure...». Hayao Miyazaki, carthographie d’un univers. La nature est donc un lieu de refuge, oku, un jardin secret, un espace fermé qui se préserve de l’humanité et dans lequel les personnages qui subissent des épreuves se réfugient.

Sur l’ensemble des œuvres de Miyazaki, que ce soient les séries animées et ou les mangas il y a une vraie dialectique raconte Raphaël Colson, il travaille toujours la même toile, avec des variations dans le temps. Il a su associer également avec brio le rapport à l’universel et au particulier. L’œuvre est très japonaise, mais intègre aussi d'autres apports culturels, notamment occidentaux.

Une lutte pour l’écosystème

Dans Princesse Mononoké, film de Miyazaki datant de 1997, il est question d'une forêt dévastée par les activités humaines : « C'est un film de reconstitution, une sorte d'archéologie nationale. Il revient sur une scène primitive de l'histoire du Japon, qui est la déforestation, mais en analysant le fait que, finalement, ceux qui sont à l'origine de cette déforestation dans le récit de Miyazaki ne sont pas des humains méchants, mais plutôt des parias qui cherchent à retrouver de la force et à se reconstruire » explique Gabriel Bortzmeyer. C’est une lutte qu'on retrouve souvent dans les films de Ghibli, celle pour l'écosystème.

Une œuvre fortement inspirée par la nature

Les écosystèmes abîmés, détruits ou déséquilibrés par les humains sont des situations que l'on retrouve dans beaucoup des films de Miyazaki : « Miyazaki a grandi dans une génération qui a connu le scandale de Minamata qui est une des grandes inspirations de Nausicaa. Dans les années 50, la baie de Minamata avait été polluée par le mercure et beaucoup de gens sont morts intoxiqués par la pollution. Miyazaki a été marqué par la façon dont la baie s'était en quelque sorte purifiée. Par la suite, il y avait lui un article dessus et l'idée de la forêt Nausicaa comme moyen immunitaire de la nature pour se régénérer vient de là » explique Raphaël Colson.

Une mise au diapason de l’humain par rapport à la nature

Certains des films de Miyazaki sont parfois pessimistes, mais pas que, comme l’explique Gabriel Bortzmeyer, il y a aussi ce qu’il appelle les films de réparations : « D’un côté, on a des films qui racontent les instincts belliqueux, meurtriers de l'humanité, et de l’autre, des films comme Totoro, qui racontent au contraire une sorte de mise au diapason de l'humain par rapport à la nature ».

Les trois piliers dans l’œuvre du maître japonais

Cette idée que des personnages viennent jouer les entremetteurs entre deux mondes, on la retrouve dans beaucoup de films de Miyazaki, c'est même une des pièces essentielles. Pour Raphael Colson, l’œuvre du maître japonais peut être découpée en trois piliers, l'interaction entre la société, la civilisation et la nature : « Il y a toujours cette question d’équilibre entre ces trois piliers. J'ai toujours tendance à ramener l'œuvre de Miyazaki à la question du Tao, la voix du milieu. Ces personnages médiateurs cherchent l'équilibre entre nature, société et civilisation. La civilisation détruit la nature et la nature a une importance. Les personnages médiateurs sont là pour transmettre et essayer d'établir cet équilibre. Nausicaa fait partie de ces personnages, plutôt que de combattre, elle essaie de comprendre et de dialoguer avec les habitants de cette forêt toxique ».

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