Pourquoi est-il si difficile de se modérer ?

Pourquoi avons-nous du mal à nous modérer ? ©Getty - Ezra Bailey
Pourquoi avons-nous du mal à nous modérer ? ©Getty - Ezra Bailey
Pourquoi avons-nous du mal à nous modérer ? ©Getty - Ezra Bailey
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A l’occasion de la journée spéciale "Sobriété" sur France Inter. Pourquoi est-il si compliqué de tempérer sa pulsion consumériste, au delà de ses besoins ? Pourquoi est-il ardu de désirer moins d’objets, de vêtements, de services, d’utiliser moins d’énergie ?

Que se passe-t-il dans notre cerveau pour que le principe de plaisir prime trop souvent sur le principe de réalité…

Réalité d’une planète qui souffre du réchauffement climatique, de sécheresses inédites, de forêts et d’océans dévastés, de matière première de plus en plus rares et chères ?

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Une émission en partenariat avec le mensuel Philosophie Magazine.

Pourquoi est-il si compliqué de tempérer sa pulsion consumériste au-delà de ses besoins ? Pourquoi a-t-on du mal à ne pas désirer moins d'objets, de vêtements, de services, d'utiliser moins d'énergie ? Comment faire mieux avec moins et inciter à la sobriété ?

"Maiden Agan", rien de trop

La sobriété n’est pas une notion philosophique nouvelle. Les stoïciens et les épicuriens nous incitaient déjà à la tempérance, à la modération. Sur le fronton du temple d’Apollon à Delphes, on pouvait ainsi lire la formule "Maiden Agan", rien de trop. Une maxime fondamentale de la sagesse grecque ancienne. On retrouve cet adage de différentes manières dans les fondements de la bonne conduite grecque comme chez Thalès "faire preuve de mesure", Cléobule "La mesure est la meilleure des choses", Pittacos "Aime l’instruction, la modération, la prudence". Plus tard, on retrouve cette idée au centre de la morale d’Aristote : "Ainsi, tout homme averti fuit l’excès et le manque, recherche la bonne moyenne et lui donne la préférence… C’est ce qui fait qu’on dit généralement de tout ouvrage convenablement exécuté qu’on ne peut rien lui enlever, ni rien lui ajouter, toute addition et toute suppression ne pouvant que lui enlever de sa perfection et cet équilibre parfait la conservant". Une sagesse ancienne et un sens de la mesure qui évitaient aux Grecs l’excès, qu’ils appelaient hybris, la démesure. Les Grecs cherchaient la mesure, l’harmonie que ce soit dans leur science, leur art ou dans la philosophie. Dans une lettre d’Epicure à Ménès, il écrit : "C'est un grand bien que de se suffire à soi-même".

L'excès, une affirmation de notre puissance de vivre ?

Une société de plus en plus excessive, mais aussi créatrice de plus en plus de désir chez le consommateur. Et une surconsommation qui touche certaines populations plus que d’autres, contraste Ravi Nadjou, essayiste et théoricien de l’innovation frugale : "Aujourd'hui, si l’on regarde la consommation moyenne d’électricité d’un Indien, c'est à peu près 1 200 kilowatts/h. Aux Etats-Unis, c'est 12 000. En France, 2 200, nous ne sommes pas les plus gros consommateurs d’énergie, il faut relativiser". Mais comment prôner la sobriété dans un système inégalitaire sur le plan social ? Comment l’imposer quand certains volent en jet privé tandis que la majorité des citoyens vivent déjà dans une sobriété imposée par l'inflation ?

L’innovation frugale

Dans cette émission, Ravi Nadjou revient sur le concept d’innovation frugale, une responsabilisation des marques vis-à-vis de notre économie et de notre planète. Ce sont de nouvelles manières de développer des produits et des services qui seraient sobres en ressources, sans pour autant affecter la performance et le prix. Par exemple, le géant de consommation Unilever a développé des déodorants compressés qui sont deux fois plus petits que les aérosols standards en utilisant 25% moins d'aluminium et 50% moins de gaz propulseur, arrivant ainsi à réduire l'empreinte carbone de 25% du déodorant, tout en gardant le même prix et la même performance.

Ivan Illich, penseur de la décroissance

Ivan Illich, grand penseur de la décroissance avant la lettre, disait qu'il faut penser une société conviviale. Une société qui repose sur des outils proportionnés à une échelle humaine dans une société toujours plus avide de croissance. Et si les idées datant des années 70 du théoricien autrichien ne trouverait pas écho à notre époque et à notre besoin de sobriété ?

Abraham Maslow et la hiérarchie des besoins

Psychologue américain humaniste, considéré comme le père de l'approche humaniste en psychologie, Abraham Maslow est connu pour son explication de la motivation par la hiérarchie des besoins humains, souvent représentée sous la forme d'une pyramide. Il théorise ainsi les besoins d’une vie comme l’amour, l’estime de soi ou encore le dépassement de soi. Qu’avons-nous à apprendre de ces enseignements dans une société de plus en plus excessive ?

Avec

  • Martin Legros, Philosophe et journaliste, rédacteur en chef de Philosophie magazine
  • Ravi Nadjou, Essayiste et Théoricien de l’innovation frugale. Livre : Le Guide de l’Innovation Frugale , publié chez Diateino octobre 2019
  • Agnès Sinaï, Journaliste environnementale, essayiste, enseignante à Science Po, et directrice de l’Institut Momentum. Article dans le Philomag d’octobre 2022 : « S’extraire du système productiviste ». Livre : Politiques de l’Anthropocène , Presses de Sciences Po, 2021.
  • Jérémie Peltier, Directeur des Etudes de la Fondation Jean-Jaurès. Livre : La fête est finie ? Aux Editions de l’Observatoire, octobre 2021
  • Sébastien Bolher, Docteur en neurosciences et rédacteur en chef de la revue "Cerveau et Psycho". Livres : Human Psycho. Comment l’humanité est devenue l’espèce la plus dangereuse de la planète. Ed. Bouquins. Janvier 2022

Et la chronique Ma vie de parent de Gwenaëlle Boulet.

Pour en savoir plus, écoutez l'émission...

Grand bien vous fasse !
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