Comment constitutionnaliser la sobriété ?

Le Conseil constitutionnel le 25 août 2022 ©AFP - Arnaud Paillard / Hans Lucas
Le Conseil constitutionnel le 25 août 2022 ©AFP - Arnaud Paillard / Hans Lucas
Le Conseil constitutionnel le 25 août 2022 ©AFP - Arnaud Paillard / Hans Lucas
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Liberté, égalité, fraternité et… Sobriété ! Face au changement climatique, faut-il changer de Constitution ? L'an dernier, la tentative de référendum pour modifier l'article 1 s'est soldé par un échec. Mais les Sages du Conseil constitutionnel ont trouvé la parade !

Pour une République écologique. C’est un beau débat, pour un jour anniversaire ! Parce qu'on est le 21 septembre, et le 21 septembre 1792, au lendemain de la bataille de Valmy, les députés de la Convention abolissent, à l’unanimité, la monarchie constitutionnelle… Exit le roi, place à l’an 1 de la République.

230 ans après, le temps est-il venu, non plus seulement de "greenwasher" la Constitution, mais d’y inscrire des principes intangibles ? Ceux qui devront guider les gouvernants, le législateur, dans un monde « fini » ? « Fini » au sens où l’humanité, si elle ne veut pas disparaître, est condamnée à sortir des énergies fossiles.

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On a déjà eu ce débat l’an dernier, Yael…

Oui et ce fut une occasion manquée, dont on a surtout retenu les manœuvres politiciennes, et pas le fond. Rappelez-vous : le 6 juillet dernier, des funérailles… Jean Castex enterre le référendum qui devait permettre de réviser l’article Premier de la Constitution. Promesse d’Emmanuel Macron, six mois plus tôt, devant la convention citoyenne.

Avec cette phrase qui aurait dû sacraliser ce combat pour le climat : « la France garantit la préservation de la biodiversité, de l’environnement et lutte contre le dérèglement climatique. » Mais pour arriver au référendum, encore faut-il mettre d’accord députés et sénateurs sur le choix des mots… La droite bloque sur le verbe « garantir », jugé trop contraignant pour l’activité économique. Consensus impossible. Fin de l’histoire.

Et on vit encore aujourd’hui sur cet échec ?

Si c’est la fin de l’abondance, alors il serait judicieux que notre Constitution intègre cette sobriété une bonne fois pour toutes… Mettre le climat à l’article 1, c’est un moyen de sécuriser, de sanctuariser la priorité, une matrice pour irriguer l’ensemble des politiques, par-delà les alternances. On voit ce qui s’est passé aux Etats-Unis, où l’IVG est passé à la trappe, effet à retardement des nominations de Trump !

Donc échec…

Mais (et c’est très intéressant, vous allez voir) notre Conseil constitutionnel se débrouille avec ce qu’il a déjà sous la main ! La fameuse charte de l’environnement, intégrée en 2005 au préambule de la Constitution. Et bien figurez-vous que le 12 août dernier, dans l’indifférence et la torpeur générale, les juges ont fait la révolution ! Si, si.

Amenés par la gauche à se prononcer sur la loi pouvoir d’achat et de la construction d’un nouveau terminal méthanier au Havre, ils écrivent ceci, au détour d’une phrase, alinéa 12 : « Les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins » ! Comprenez bien la portée de ce qui est écrit là : on ne juge plus seulement les dommages à l’instant T, mais ceux qui seront provoqués, à l’avenir, par les décisions du présent. La France suit en cela l’exemple allemand… Un an plus tôt, la loi climat de Merkel était cassée par la cour de Karlsruhe, parce qu’elle ne réduisait pas suffisamment les émissions de CO2 après 2030 !

Vous voyez que même sans l’article 1 révisé, il se passe et il va se passer des choses ! Ils sont peut-être multi-boomers, les Sages du conseil constitutionnel, mais ils prennent, eux aussi, leur part à l’effort de sobriété, et ça mérite d’être salué.

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