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Interview

« Face au changement climatique, on reste dans la gestion de crise, mais cela ne suffit pas »

Pour la géographe Magali Reghezza, spécialiste de l'environnement et des catastrophes naturelles, membre du Haut Conseil pour le climat, « il faut transformer structurellement les activités, les territoires » en France et ne pas se contenter de réagir au coup par coup.

Magali Reghezza
Magali Reghezza (Nicolas TAVERNIER/REA)

Par Muryel Jacque

Publié le 24 juin 2022 à 07:25Mis à jour le 24 juin 2022 à 09:45

A quel point le climat a-t-il déjà changé en France ?

Depuis 1900, la température du globe s'est réchauffée de 1,1 °C. Pour la France métropolitaine, c'est 1,7 °C. Certaines régions en France se réchauffent même encore plus vite. Cela donne déjà des hivers plus doux, des printemps beaucoup plus précoces et des étés plus chauds, plus secs et plus longs. La remontée du niveau marin s'accélère notamment avec la fonte des glaces, l'enneigement en montagne diminue, des espèces migrent vers le nord, d'autres se sont acclimatées comme le moustique tigre.

Les forêts françaises sont en très mauvais état à cause des sécheresses et l'agriculture est touchée de plein fouet. Cette année, la France a subi les gelées tardives, la grêle, la sécheresse , les orages, la vague de chaleur, etc. Ces calamités agricoles affectent directement les élevages. On constate aussi qu'en quarante ans, la date des vendanges a été avancée d'un mois. Le réchauffement global a aussi des conséquences sur les logements, des millions d'entre eux sont touchés par le phénomène de retrait-gonflement des sols argileux qui provoque des fissures à cause de la sécheresse.

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Quelles sont les solutions ?

Il ne s'agit plus seulement d'être en réaction, de se contenter de traiter les symptômes. Comme une maladie chronique, on peut aussi faire en sorte de vivre avec le changement climatique actuel. Il existe un certain nombre de politiques publiques en France au niveau national, régional, local, mais elles permettent essentiellement de limiter l'exposition dans les zones à risque.

Pour l'instant, on reste dans de la gestion de crise ou dans de la prévention de risques. Cela ne suffit pas. Il faut transformer structurellement les activités, les territoires, et passer d'une adaptation « incrémentale », au coup par coup, à une adaptation « transformationnelle », qui va s'attaquer aux racines de la vulnérabilité.

Comment ?

En agriculture, par exemple, ça suppose de produire autrement : revoir la formation des agriculteurs, l'utilisation des sols et des produits phytosanitaires, les subventions et les aides, l'accès à l'eau, les modes d'organisation des filières les préférences des consommateurs, etc.

Sachant que la plupart de ces transformations - le GIEC l'a démontré : apportent des cobénéfices en matière de bien-être, de santé ou encore de réduction des pollutions. Il faut toutefois faire attention aux « mal adaptations », des solutions, souvent techniques, qui vont soit émettre beaucoup de carbone, par exemple le dessalement de l'eau de mer ou la bassine qui empêche l'eau de s'infiltrer dans les sols, ou qui ne sont pas soutenable sur le long terme. Installer des canons à neige ne permet pas à l'activité en montagne de s'adapter de façon pérenne.

Le rapport du sénateur Ronan Dantec , qui date de 2019, le dit très bien : dans les territoires on va devoir développer au cas par cas des solutions aussi bien techniques, juridiques, comportementales, politiques que sociales. Les solutions fondées sur la nature sont aussi intéressantes. Par exemple, les trames vertes et bleues qui consistent à planter des corridors de végétation ou à restaurer des corridors hydrauliques, des champs d'expansion des crues ou des tourbières.

Tous les secteurs sont concernés ?

Oui. La santé, avec l'hôpital et l'accès aux médecins : on voit les problèmes pendant les canicules. Ça concerne l'école car il faut adapter les bâtiments, ça concerne l'agriculture, l'industrie, l'énergie. Et le patrimoine culturel, beaucoup de monuments étant exposés aux fortes chaleurs et à la montée des océans.

Tous les ministères sont concernés. Les Affaires étrangères le sont car certains sujets nécessitent une coopération internationale, la pêche par exemple. Le ministère des Armées tout autant puisque de nombreuses bases militaires se situent dans des territoires soumis au changement climatique comme des îlots qui risquent d'être submergés.

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Le pilotage de cette adaptation doit s'intégrer dans la planification écologique et territoriale . Il s'agit de répondre aux enjeux de transformation de l'organisation de l'espace français : où met-on les routes, les rails, les ports, comment pense-t-on l'urbanisme, l'architecture, etc. Il faudra donc redéployer des métiers, la fiscalité, regarder comment demain le système de Sécurité sociale et le système de retraite tiennent avec un climat qui change.

Muryel Jacque

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