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Le risque de cancer et la présence de nitrites dans la charcuterie sont bien liés, selon l’Anses

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L’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) reconnaît l’existence d’un lien entre le risque de cancer colorectal et l’exposition aux nitrites ainsi qu’aux nitrates, présents notamment dans la charcuterie. Le gouvernement a annoncé un plan d’action pour limiter l’utilisation de ces additifs dans les produits alimentaires.
par Elena Do
publié le 12 juillet 2022 à 19h13

E249, E250, E251, E252… Suspectés depuis plusieurs années, les additifs nitrés sont pointés du doigt par les autorités sanitaires en raison de leurs conséquences sur la santé. Saisie en juin 2020 par les ministères de la Santé et de l’Agriculture, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) s’est penchée sur les risques associés à la consommation de nitrites et de nitrates, en s’appuyant sur les résultats de 187 études scientifiques menées entre 2015 et 2022. Dans son avis rendu ce mardi, l’Anses reconnaît «l’existence d’une association positive entre l’exposition aux nitrates et /ou aux nitrites via la viande transformée et le risque de cancer colorectal». En résumé : plus la consommation de ces additifs est élevée, plus le risque de développer un cancer colorectal est important. «La diminution voire la suppression de ces additifs dans les produits transformés serait une avancée en termes de santé publique», estime pour Libération Daniel Nizri, président de la Ligue contre le cancer. Selon ce cancérologue de formation, la crise sanitaire a «mis en évidence l’importance des comorbidités», en particulier «celles liées à une alimentation défavorable à la santé».

L’Anses ne préconise pas l’élimination des nitrites, mais la réduction de leur consommation. Pour cela, l’autorité recommande de limiter la charcuterie à 150 grammes par personne et par semaine. Soit l’équivalent de quatre tranches de jambon. «Cette recommandation permet de ne pas dépasser la dose journalière admissible pour les nitrites, à savoir 0,07mg», mentionne le rapport. Concernant la présence naturelle de nitrates dans les légumes, l’Anses rappelle toutefois la nécessité de consommer «au moins cinq portions de fruits et légumes différents par jour et d’origines diversifiées». Si la relation entre cancer colorectal, nitrites et nitrates est avérée, l’agence souligne toutefois que le nombre d’études est actuellement insuffisant pour confirmer − ou infirmer − le lien entre la présence de nitrites dans la viande transformée et le risque de développer d’autres formes de cancers (pancréas, estomac, œsophage, sein…). A ce stade, ces associations sont seulement «suspectées», note l’Anses, qui recommande de poursuivre les recherches.

Vigilance accrue

Industriels ou artisanaux, rares sont aujourd’hui les produits à base de viande qui ne contiennent pas de sels nitrités (soit nitrites et nitrates). Concernant la seule présence de nitrites, «ils sont majoritairement apportés par les aliments (99 %) et en particulier par les produits carnés traités tels que le jambon cuit, les saucisses et les saucissons cuits», rapporte l’Anses. Ces additifs donnent la fameuse couleur rosée du jambon. Ils permettent aussi de conserver la viande, en limitant la prolifération des bactéries responsables de la listériose, la salmonelle ou encore le botulisme. «Réduire ou supprimer les nitrites dans les produits de charcuterie, sans prendre de mesures compensatrices, augmente le risque de toxico-infection pour le consommateur», prévient l’autorité sanitaire. Si les nitrites sont évincés, la date limite de consommation de ces produits doit être considérablement réduite et une vigilance accrue doit être portée à leur procédé de fabrication et de conservation.

Les industriels n’ont pas attendu le nouvel avis des autorités sanitaires pour prendre le virage du «zéro nitrites». Dans les rayons dédiés aux jambons, les emballages proposant une recette plus «naturelle» prennent de plus en plus de place. De nombreuses marques se sont ainsi mises au jambon «sans nitrites». Le nitrite est alors souvent remplacé par d’autres ingrédients d’origine végétale, comme des bouillons de légumes. Cependant, l’Anses émet une réserve à ce sujet : «Certains procédés qui se substituent à l’ajout direct de nitrites consistent à apporter des nitrates d’origine naturelle (extraits végétaux, bouillons de légumes, etc.) qui, sous l’effet d’enzymes bactériennes, sont convertis en nitrites. Ce type d’alternatives ne conduit donc pas à diminuer l’exposition des consommateurs aux nitrites», détaille l’autorité dans son rapport.

Avis européen attendu

Suite aux nouvelles conclusions de l’Anses, le gouvernement a annoncé ce mardi dans un communiqué vouloir mettre en place «un plan d’action visant à réduire l’ajout des additifs nitrés dans les produits alimentaires». Ce plan doit être présenté au Parlement à l’automne 2022. L’objectif : «Aboutir à la réduction ou la suppression de l’utilisation des additifs nitrés dans tous les produits alimentaires où cela est possible sans impact sanitaire et cela le plus rapidement possible.»

Les ministères de la Santé et de l’Agriculture rappellent que «l’utilisation des nitrites et nitrates est autorisée par la réglementation européenne, qui prévoit des taux d’incorporation maximum de 150 mg par kilo. En France, les filières charcutières sont déjà en deçà de ces seuils, avec un maximum de 120 mg par kilo». L’avis de l’Anses vient compléter «les travaux menés au niveau européen dans le cadre d’une réflexion communautaire sur les doses journalières admissibles». Un nouvel avis européen est attendu pour la fin de l’année à ce sujet.

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