Les produits ménagers sont autant vecteurs de polluants que le trafic routier

Un test réalisé en laboratoire montre que les nettoyants pour sols disponibles dans le commerce produisent autant de polluants nocifs pour le système respiratoire que les routes publiques. En cause, les solvants parfumés aux agrumes ou au pin qui génèrent des particules nocives en suspension dans l'air lorsqu'ils interagissent avec l'ozone.
Alexandra Bresson
Les produits ménagers sont autant vecteurs de polluants que le trafic routier iStock/SeventyFour

C’est une idée reçue qui a la vie dure : l’air que l’on respire en intérieur est tout aussi pollué que l’air extérieur voire plus. Et les produits utilisés pour nettoyer les sols de notre cuisine ou de nos WC n’y sont pas étrangers en raison des substances toxiques qu’ils sont susceptibles de contenir. Preuve en est avec la dernière étude menée en date sur ce sujet par une équipe internationale de chercheurs*, qui révèle que les personnes utilisant des nettoyants commerciaux contenant certains produits chimiques peuvent être exposées à autant de polluants que si elles étaient assises au bord d'une voie publique. Comprendre par là que cette action peut générer autant de particules fines en suspension dans l'air que des véhicules dans une rue animée.

Les chercheurs ciblent directement les règles des fabricants de nettoyants ménagers qui y ajoutent une multitude de molécules pour leur donner une fragrance agréable et « fraîche », une odeur de pin ou d’agrumes par exemple. Mais ce faisant, ils exposent leurs clients à des niveaux élevés d'aérosols organiques secondaires (AOS), formés dans l'atmosphère via des procédés chimiques. Ces types d'aérosols sont connus pour irriter les poumons lorsqu'ils sont inhalés, sachant que leurs principales sources sont le trafic routier mais le risque ici concerne le mélange entre l’ozone, polluant déjà présent dans l’air, et certaines molécules libérées via l’usage de produits ménagers.

Un mélange chimique dangereux dans l'air

L’une des molécules les plus préoccupantes est le limonène couramment ajouté aux nettoyants et à la cire pour meubles. Cette molécule parfumée au citron réagit facilement avec l'ozone lorsque celui-ci pénètre dans les bâtiments. Une réaction se produit alors avec le limonène et des molécules similaires appelées monoterpènes, conduisant à la formation de particules en suspension dans l'air. Ces « petites particules peuvent se loger profondément dans les poumons, irriter les cellules et, à une exposition suffisamment élevée, entraîner des problèmes de santé, tels que l'asthme. », explique la revue Sciences Advances qui relaie les résultats de l’étude.

Cette dernière a été conçue pour révéler, minute par minute, ce qui se passe comme réactions aéroportées lors d'un nettoyage de sol typique. Les chercheurs ont amené leurs instruments de laboratoire dans une pièce avec un volume d'air de 50 mètres cubes, dont le sol a été nettoyé le matin pendant 12 à 14 minutes avec un nettoyant à base de terpènes. Des instruments ont ensuite été utilisés pour surveiller la formation de particules en suspension au cours des 90 minutes suivantes. « L’étude a vraiment examiné l'ensemble du processus chimique dans des conditions intérieures réalistes. », note le Pr Philip Stevens, chimiste atmosphérique et co-auteur de l’étude.

Aussi dangereux que de « cuisiner avec une cuisinière à gaz »

Une fois les échantillons d’air analysés, notamment le nombre de particules inférieures à un demi-micron, à l'aide d'un modèle informatique standard, les chercheurs ont constaté qu'une personne moyenne respire environ 1 à 10 milliards de nanoparticules par minute, ce qui équivaut à la circulation de véhicules dans une rue animée d'une ville américaine ou européenne typique. « C'est aussi à peu près la même chose que de cuisiner avec une cuisinière à gaz ou d'allumer une bougie. », ajoute la revue scientifique. Qu'en est-il de l'ouverture des fenêtres ? Il s’avère que cette habitude n’est pas la bonne solution pour éliminer les particules car elle peut également apporter de l'ozone de l'extérieur.

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L’équipe scientifique recommande plutôt de nettoyer tôt le matin ou tard le soir, lorsque les niveaux d'ozone dans l’air ont tendance à être plus bas et, surtout, d’éviter l’utilisation de produits contenant du limonène ou d'autres types de terpènes. Heureusement, le temps aide aussi : après le nettoyage, les particules nouvellement formées restent en suspension dans l’air mais deviennent inoffensives dans les heures qui suivent lorsqu’elles reposent sur des surfaces. A noter que les personnes désireuses d’utiliser des produits ménagers à la composition la plus simple et courte possible peuvent se tourner vers le Ménag’Score de 60 millions de consommateurs qui classe les produits de A, pour les plus vertueux, à E pour ceux présentant le plus de risque.

*Une équipe de chercheurs de l'Université de l'Indiana, de l'Université Purdue, de l'Université de Lille, du Centre pour l'énergie et l'environnement et d'Edelweiss Technology Solutions.

le 01/03/2022