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Au cœur d’un barrage quasi centenaire Nous avons suivi Xavier Abbadie, inspecteur de la sécurité des ouvrages hydrauliques, pour une journée d’inspection du barrage d’Éguzon, dans l’Indre. Découverte d’un métier passion au service de la sécurité d’ouvrages d’art souvent majestueux.

Fort de ses 60 mètres de haut et 300 mètres de long, le barrage d’Éguzon est un barrage de classe A, inspecté une fois par an par l’État.

Situé sur la rivière Creuse, dans l’Indre, le barrage d’Éguzon était le barrage le plus puissant d’Europe à l’époque de sa construction, dans les années 1920.

Conçu d’abord pour alimenter les industries de la région après-guerre, il a également permis d'alimenter les caténaires de la ligne ferroviaire Paris-Toulouse.

Xavier Abbadie, inspecteur de la sécurité des ouvrages hydrauliques au ministère de la Transition écologique, et Mickaël Giraud, assistant technique en charge de la surveillance des ouvrages chez EDF, nous accompagnent pour cette visite privilégiée du barrage d’Éguzon.

Si la maintenance quotidienne est assurée par les agents du groupement d'usines, Xavier Abbadie, en tant qu'inspecteur de l'environnement, contrôle que l'exploitant met bien en place tous les moyens, notamment humains, pour que cette maintenance soit correctement réalisée.

En amont du barrage, le lac d'Éguzon a été aménagé pour la baignade et les activités nautiques.

À l'aval, il n'est pas rare de croiser des randonneurs et des pêcheurs amateurs.

Aujourd’hui, le barrage d’Éguzon permet de produire annuellement de l’électricité pour 41 000 personnes, soit l’équivalent des habitants de la ville de Châteauroux.

Les 6 turbines, alimentées par les prises d’eau en amont, sont le cœur de la production d’électricité du barrage.

Depuis 2019, même le débit dit « réservé » (le débit minimal d’eau pour alimenter la rivière en aval) est turbiné. Autrement dit, pas de gaspillage : toute l’eau qui transite par le barrage sert à produire de l’électricité, de manière propre et en continu.

Après avoir passé 20 ans dans l’Armée de l’air, puis travaillé dans les achats publics et le contrôle qualité, Xavier Abbadie s’est formé au génie civil en interne. Aujourd’hui, il apprécie plus que tout de travailler aux côtés d’ouvrages d’art majestueux et d’être garant de leur sécurité. Depuis huit ans et demi que Xavier occupe ce poste, il confie ne vouloir en changer pour rien au monde.

Ces conduites de 4 mètres de diamètre et 45 mètres de chute servent à alimenter les turbines. Tous les 10 ans, comme tous les organes noyés du barrage, elles sont vérifiées de l’intérieur. Une fois les conduites vidées, les cordistes passent par ces trappes appelées « trous d'hommes » pour y pénétrer.

État de l'ouvrage, fonctionnement, sécurité : c’est aussi dans les galeries intérieures que l’on va ausculter le barrage et vérifier sa bonne santé générale grâce à différents appareils et outils de mesure.

Assurer la sûreté du barrage et garantir la protection des personnes, des biens et de l'environnement, c'est l'une des missions des inspecteurs.

45 points d'auscultation sont répartis sur l'ensemble du barrage.

Lorsqu’une fissure apparaît, le vinchon permet de mesurer un éventuel écartement en largeur, en hauteur et en profondeur.

Les pendules, notamment, placés à différents étages du barrage, renseignent sur d’éventuels mouvements de la structure.

« Le fait qu’un barrage fuiTe, ce n’est pas grave en soi. Ce qui compte, c’est l’évolution de la fuite » nous explique Xavier Abbadie.

En octobre 1960, la rivière Creuse a connu une brutale montée des eaux, à l'origine de dégâts matériels et humains importants dans les villes et les villages à l'aval.

Depuis, lorsque Météo France annonce des pluies importantes, l’exploitant du barrage veille à créer un creux préventif afin d’atténuer le plus possible les effets de la crue. En cas de vigilance déclarée, les équipes du barrage sont mobilisées 24 heures sur 24 pour appliquer les consignes de crue, en lien avec les services de l’État et notamment le service de prévision des crues (SPC) en DREAL.

« Aujourd’hui, nous sommes plutôt BIEN informés des épisodes météorologiques qui arrivent, Même si leur ampleur n'est pas toujours prévisible. En matière de sécurité des barrages, nous devons être dans l'anticipation des risques. »

En parallèle de l'inspection sur site, le travail de l'inspecteur consiste à vérifier que les risques ont été correctement pris en compte à travers l'élaboration d'une étude de dangers et de différents documents réglementaires.

L'inspecteur s'appuie également sur l'expertise technique nationale mise en place par la direction générale de la prévention des risques (DGPR) au ministère de la Transition écologique, organisée autour de son pôle national de la sécurité des ouvrages hydrauliques (Ponsoh), du Cerema et de l'Inrae.

Depuis la salle des machines, au pied du barrage, ou depuis le poste de commande, les vannes d’évacuation sont manœuvrées en cas de besoin. Il s’agit de faire passer la crue sans causer de dommages à l'ouvrage, de s'assurer que celui-ci n'aggrave pas les impacts de la crue pour les communes et les habitations en aval et, si possible, de les limiter.

L’inspecteur surveille le bon entretien des vannes par l'exploitant : corrosion, étanchéité, bon fonctionnement des alarmes et motorisation des commandes.

Depuis la salle des machines, il est possible de superviser le fonctionnement de l’ensemble des barrages du groupement situés sur la rivière Creuse. Température des lacs, valeurs d’ouverture des clapets, cotes des retenues… C’est ici que le pilote de crue décide d’activer, si besoin, le dispositif de veille et d’ouverture des vannes si une crue venait à s’annoncer.

Dans le journal de bord du barrage sont consignés tous les incidents et les opérations de maintenance effectuées. Xavier Abbadie en prend connaissance lors des visites avec le responsable des ouvrages.

En cas de crue, les 6 vannes du barrage d’Eguzon permettent d’évacuer près de 1 350 mètres cubes d’eau par seconde !

Sur la rive droite du barrage, cette vanne circulaire de plus de 6 mètres de diamètre peut à elle seule laisser couler 400 mètres cubes d’eau par seconde.

« Ces dernières années, nous avons fait de réels progrès en matière de sécurité des barrages. La réglementation a évolué, elle est bien appliquée par les concessionnaires et nous allons de plus en plus loin dans l’anticipation des crues », conclut XAVIER, le sourire aux lèvres derrière son masque.
  • Texte : Mathilde Christiaens
  • Photos : Damien Carles / Terra